Fraude financière d’un jour. RFI vous propose de revenir cette semaine sur ces arnaques financières dont les instigateurs sont admirables d’ingéniosité. À l’honneur aujourd’hui, un maître escroc : Victor Lustig, qui a réussi l’incroyable : vendre la Tour Eiffel, symbole de la France, en moins de dix jours !
Tout a commencé à Paris dans les années folles, à la fin du XIXe siècle. Paris est en plein boom économique. La Tour Eiffel n’a même pas trente ans et n’est pas très connue. Même en galerie il fut condamné dès les premiers coups de marteau par des artistes de renom : Guy de Maupassant, Alexandre Dumas, ou comme ici dans le poème du dramaturge François Coppée de 1882, qui fut lu en 1956 par l’acteur et metteur en scène Pierre Bertin : « Géant, sans beauté ni style. C’est une idole du métal. Un symbole de pouvoir inutile. Et un triomphe sur un fait brutal. »
Comme d’autres édifices de l’Exposition universelle de 1889, où elle est née, la tour Eiffel est condamnée à la destruction en dix ans : 7 000 tonnes de fer ont dû être démantelées dans le cadre de la hausse des prix de cette matière première à la fin du Première Guerre mondiale.
C’est dans ce Paris bouillonnant que Robert Miller, alias Victor Lustig, escroc professionnel, débarque des États-Unis. Il était le fils d’une famille bourgeoise d’Autriche-Hongrie, aujourd’hui République tchèque. Un polyglotte aussi brillant que paresseux. Il avait déjà ramassé de nombreux milliardaires, triché sur les billets des grands paquebots avant que la guerre de 1914 ne siffle la fin de la croisière.
A Paris, Victor Lustig tente de montrer la voie. Mais la vie est chère en France et ses activités criminelles, trop peu rentables à son goût… C’est alors qu’il tombe sur un article évoquant l’état catastrophique de la Tour Eiffel que les autorités ont laissé derrière lui. Puis il a l’idée de vendre Iron Lady !
Tout est dans le décorum
Avec son allure aristocratique, ses bonnes manières et son langage suave, Lustig se présente comme un haut fonctionnaire et, à l’aide de faux mémorandums ministériels, en secret, dans les salons confortables du prestigieux Hôtel Crillon, réunit les cinq plus grands dealers de déchets. dans le pays pour négocier la vente. Il organise même une visite de la Tour Eiffel. L’un d’eux mord à l’hameçon, un certain André Poisson, un homme ambitieux qui espère s’imposer dans le monde des affaires parisien grâce à cette opération.
Afin de le ferrer définitivement, Lustig demande un pot-de-vin. Le poisson, habitué à ces procédés, accepte. Les poches pleines, l’escroc tchèque s’enfuit et se réfugie à Vienne. Il est loin quand André Poisson se rend compte qu’il a été trompé, mais il a trop honte pour porter plainte.
Victor Lustig n’en revient pas et un mois plus tard il trahit sa règle d’or : ne jamais répéter la même arnaque au même endroit. Il revient donc à Paris pour vendre la Tour Eiffel pour la deuxième fois. Mais cette fois, le brocanteur flaire l’arnaque et alerte la police. Lustig a à peine le temps de s’enfuir aux États-Unis. Il y gagne de faux dollars et parvient même à tromper Al-Capone, le célèbre gangster américain ! Victor Lustig termine sa carrière d’escroc à la prison d’Alcatraz. Il est décédé à 57 ans d’une pneumonie (au Federal Prisoner Medical Center de Springfield, Missouri). Dans sa cellule, mythe ou réalité ? On retrouverait une carte postale de la Tour Eiffel avec ce billet « vendu 100 000 francs », ce qui équivaut aujourd’hui à 150 euros.